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J’ai infiltré le public des émissions de télé : « Si c’est drôle, riez, et si ce n’est pas drôle… riez quand même ! »

Les mains de l’agente de sécurité remontent le long de notre jambe, la palpation est ferme et rigoureuse. « Qu’est-ce que c’est dans votre poche ? Un crayon ? Vous n’en avez pas besoin, retournez déposer ça au vestiaire. » On obéit, de peur de se faire remarquer. Tandis qu’on se fraye un chemin en sens inverse dans la queue, un autre vigile harangue la foule : « On s’aperçoit qu’une personne essaie de rentrer avec son téléphone… Je vous rappelle que tout ce qui est portable, appareil photo, clés ou objet métallique doit rester au vestiaire. Je reviens sur les tenues vestimentaires : manteaux, écharpes, casquettes, ça ne rentre pas ! Les médicaments, c’est oui, le Labello, c’est non. »
Trois femmes s’échangent un regard complice en riant : « Celle-là, on ne nous l’avait jamais faite ! » Natalina Silva, Célia De Oliveira et Maria Jaffrezic connaissent la chanson : avec plus d’une cinquantaine de tournages à leur actif, les trois amies du Val-de-Marne ont l’habitude d’entendre ces consignes. Ce sont toujours les mêmes qui sont adressées aux anonymes qui viennent peupler l’arrière-plan des émissions de télévision enregistrées en public. Jeux, talk-shows, télé-crochets, concerts caritatifs… Chaque jour, la télévision a besoin de centaines de volontaires comme elles pour donner un peu de chaleur à ces programmes, faire entendre des applaudissements, des rires, des « Oooh ! », des « Aaah ! ». C’est une véritable industrie derrière l’industrie, avec ses habitués, ses chauffeurs de salle et ses nombreuses agences d’événementiel qui organisent et accueillent le public.
Cet après-midi d’octobre, sur un des nombreux plateaux logés dans d’immenses hangars aux frontières de Paris, c’est « Vendredi tout est permis » qui est mis en boîte, une émission où Arthur impose des épreuves cocasses à une demi-douzaine de semi-vedettes, en impliquant parfois des spectateurs. « VTEP », comme l’appellent les initiés, est diffusé au compte-gouttes toute l’année sur TF1 mais enregistrée en condensé, à raison d’une quinzaine d’épisodes en dix jours. Lorsque l’on met enfin le pied sur le plateau, après un passage dans des couloirs mal éclairés en évitant de se prendre les pieds dans les câbles qui serpentent à même le sol, c’est tout à coup l’effervescence. Des néons bleus, roses, jaunes, des spots qui balancent une lumière éclatante, des techniciens qui vont et viennent, slalomant entre le chauffeur de salle qui entraîne le public à applaudir et les placeuses qui organisent les gradins, plus ou moins aimablement – « Serrez-vous un peu sur votre droite. La droite, j’ai dit ! » Une femme surgit des coulisses, casque-micro sur la tête. Elle est un peu essoufflée et, d’une voix légèrement agacée, interpelle l’audience : « On cherche encore une personne âgée non tatouée qui ne sait pas danser. Toujours pas ? » Derrière moi, un monsieur goguenard désigne son épouse, qui se recroqueville immédiatement – « Oh non, dis, déconne pas, Didier ! »
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